Parfois, lors de mes crises d’angoisse, je manipule mon pistolet et sa seule présence me réconforte. J’ai peur. La nuit ne me laisse aucun répit, mes cauchemars sont infernaux alors je sors mon arme de sous l’oreiller et je la presse contre ma joue. Sa froideur est synonyme de sa puissance…
Hier soir, j’ai revu Alien III. Sigourney Weaver, crâne rasé, déambulant dans une prison glauque au milieu de détenus violents. Les monstres de l’espace n’ont rien d’effrayant. Les hommes par contre… Tueurs en série, violeurs, pédophiles… la crème d’une société décadente. L’héroïne les mate et s’impose en force dans un univers hostile. Quel film ! Il m’a coûté mon dernier paquet de chips et deux boîtes de caramels au beurre salé. Je crois qu’il n’y a plus rien à manger dans l’appartement. Il faut que je trouve une solution mais je ne sortirai pas de chez moi. Nathalie ne cesse de téléphoner. Sa petite soeur n’est plus là pour le repas dominical. Personne à qui raconter les évènements survenus au boulot. Patrice, le mari taciturne, l’esprit trop préoccupé par le résultat des matchs de foot ne doit pas prêter attention aux bavardages de sa femme… Pourtant il est plutôt sympa mon beau-frère lorsqu’il accepte de participer à une conversation, ce qui est hélas trop rare. Fred téléphone souvent lui aussi, je ne réponds pas alors il inonde mon répondeur de messages inquiets que j’efface aussitôt.
Je réalise que je n’ai pas vérifié les verrous de la porte. Enfin Roxane ! Tu as contrôlé ces satanés verrous une bonne dizaine de fois et tu n’es pas sortie depuis. Je réalise aussi que cela fait des jours que je ne me suis pas lavée, ni changée. Je pue mais je m’en fous. Il me faut un film ! Panic room, génial ! Les prises de vue sont extraordinaires, dirigées de main de maître par Ridley Scott et Jodie Foster est une fois de plus prodigieuse dans un rôle de femme forte.
Je plonge dans l’image et la musique du film, là j’oublie. Je suis bien dans l’univers du septième art, c’est une forme de voyage pour moi, une déconnexion nécessaire. Vitale.
Quelqu’un sonne à la porte ! Je ne veux pas répondre. Je réduis le son. Silence, j’attends. On sonne avec insistance. Je ne bouge toujours pas. Maintenant, ça tambourine bruyamment.
— Ouvre-moi Roxane !
Merde ! C’est Fred !
— Je suis avec la concierge ! Ouvre s’il te plait, nous savons que tu es là !
Non ! Je ne veux pas leur ouvrir ! D’accord la concierge est là mais ce n’est pas une raison… Ne pas voir Fred… ne plus le revoir. Tout se reproduit. Sueurs, tremblements, nausées… J’ai peur, c’est un cauchemar, tout recommence ! Mais est-ce réellement Fred ?
— Roxane, ça va ? Tu es malade, blessée ? Si tu ne réponds pas, nous allons entrer.
J’entends un trousseau de clé tinter derrière la porte. Ils n’arriveront pas à ouvrir puisque j’ai ajouté un verrou. Laissez-moi tranquille ! Fichez le camp ! Mes suppliques restent muettes, je ne peux prononcer un mot, les sons meurent au fond de ma gorge. L’angoisse... mon arme ! La tenir en main ! Elle n’est jamais loin, prête à faire feu.
— Roxane ! C’est moi Fred ! Pour la dernière fois ouvre sinon je défonce cette fichue porte !
Il ment, il n’est pas Fred. J’en suis certaine. Le monstre, il essaie encore de m’avoir… Il est là tout proche, le porc. Il en a encore après moi. Non ! Plus jamais ton sous-sol, ton corps sur moi, sale vicieux. Plus jamais ton haleine… Non ! Non ! Mes pensées retentissent en moi et se mêlent à la voix d’Ariane. Elles me déchirent et m’ordonnent d’agir. Les sons ne veulent toujours pas sortir. Je crie intérieurement. Alors défonce-la cette fichue porte, je t’attends espèce de salaud ! Allez viens, approche ! Je suis prête. Pieds bien campés, bras légèrement tendus, arme au poing… en position de tir !
De grands coups font trembler le chambranle. La porte va céder. Un fracas assourdissant.
Vlan ! Elle cède...