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10 février 2009 2 10 /02 /février /2009 14:54

Celebrindal et Eärendil attendaient sagement dans le paddock, Liam mit une étrille et une brosse dans les mains d’Anna et le bouchonnage commença. Les jeunes gens ne parlaient pas, probablement gênés après l’intimité des confidences dévoilées lors de leur dernière rencontre.

 Quand vint le moment de seller et de sangler, Anna rencontra des difficultés à serrer la sous-ventrière de la jument au ventre trop rond, Liam s’approcha et sangla avec force. Annabelle se troubla instantanément, il était près d’elle et leurs bustes, durant un court instant, furent en contact. Elle sentit l’odeur de sa peau, de ses cheveux et perçut le gonflement de ses muscles bandés par l’effort. Le frottement des ailes de papillon se mit en mouvement dans tout son corps. Son cœur tambourina, elle prit peur et recula instinctivement. Liam ne perçut pas son émoi et lui tendit les rênes de Celebrindal.

Le temps magnifique incitait à la promenade. Anna perchait sur la jument grise, retrouva les sensations familières de l’équitation. Comme nager ou faire du vélo, monter un cheval ne s’oublie pas.

Côte à côte, ils restèrent au pas et ne prononcèrent pas un mot durant un long moment puis au grand soulagement de Liam, Annabelle rompit le silence.

   Savez-vous comment j’avais baptisé vos chevaux avant de connaître leurs noms ?

   Non ! Dites-moi !

   Vous allez trouver que c’est une extraordinaire coïncidence !  Arod et Hasufel.

   Je savais que vous connaissiez Tolkien ! Vous l’aimez donc beaucoup, vous aussi ? Répondit Liam avec stupéfaction.

   Je l’adore serait plus juste !

   C’est mon auteur préféré ! Je ne sais combien de fois j’ai lu ses bouquins et je ne m’en lasse jamais ! S’exclama Liam en rattrapant Annabelle.

   « La maison est derrière, le monde est devant. Et il y a bien des chemins à parcourir. A travers les ombres jusqu’à l’orée de la nuit, jusqu’à ce que les étoiles soient toutes allumées. » Déclama Anna.

   La chanson des hobbits ! Dans… La communauté de l’anneau !

   Bravo !

   A moi maintenant !

   « Vert est le pays, fourni est le feuillage et les oiseaux chantent. Maintes fois d’une aube d’or. Cette terre s’éclairera et de nombreuses fleurs s’ouvriront avant que ne blanchissent les blés ».

   Voyons que je réfléchisse. C’est… euh… C’est tiré du chant des elfes dans le poème Le dernier vaisseau. Attendez ! Je cherche de quel livre c’est extrait… Les aventures de Tom Bombadil ! Lança Anna avec fierté.

   Alors là ! Je suis bluffé !

Contournant la rive du lac Corrib, les deux cavaliers aperçurent une longue bande sablonneuse et ne purent résister à lancer les chevaux au galop. Très vite, les foulées se rallongèrent et la simple galopade devint une course.

 A grands cris, Liam encouragea son cheval et la jument d’Annabelle, n’appréciant probablement pas d’être distancée, se fit une joie de rattraper son fils.

   Rendez-vous à la vieille maison du pêcheur ! Hurla le jeune homme.

Une grisante impression de liberté envahie Annabelle. Le visage offert au vent dans un paysage d’une fantastique beauté et la puissance de l’animal sous son corps firent remonter en elle une euphorie depuis longtemps oubliée. Une fonte dans les éléments naturels, une union corporelle et sensorielle avec l’animal…

 Ils arrivèrent presque en même temps au bout de la langue de sable. Encore grisés, ils mirent pied à terre et attachèrent les chevaux devant la maison du pêcheur, à vrai dire une simple cabane de bois.

   Vous avez apprécié cette petite course? Demanda Liam tout essoufflé.

   C’était merveilleux, il y a longtemps que je ne m’étais pas autant amusée !

   Venez ! Nous allons nous asseoir un moment sur les rochers, le temps pour les chevaux de récupérer !

Longeant un peu la rive, ils choisirent un emplacement duquel on embrassait un magnifique panorama. En ce lieu, le lac s’évasait et distinguer l’autre rive se révélait impossible. La surface peu profonde sur laquelle flottait une écume dansante, prenait de brillants reflets argentés. Anna et Liam en revinrent à parler littérature et découvrirent ainsi leur admiration commune pour bien d’autres auteurs. Mais le jeune homme brûlait de revenir à la conversation interrompue par l’arrivée d’Eileen quelques jours plus tôt. Il se lança.

   Annabelle, l’autre soir vous m’avez dit avoir compris que vous tourner vers les autres au lieu de vous apitoyer sur vous-même, vous aidait à vous retrouver. Vous m’avez également expliqué qu’aider votre prochain vous permettez de vous retrouver. Ai-je bien compris ?

   C’est tout à fait cela, en effet !

   Il y a quelque chose qui me chiffonne !

   Parlez !

   Votre obstination à vous montrer gentille envers moi alors que j’ai été si désagréable avec vous, le repas français, cette balade à cheval…

   Continuez Liam ! Je vous en prie !

   Vous faites tout cela pour m’aider et donc vous aider vous-même ! N’est ce pas ? Je suppose que je  suis l’instrument de votre guérison ! Votre thérapie en quelque sorte !

Annabelle se tourna afin de faire face à Liam et sourit.

   Dès l’instant où je vous ai vu et surtout après qu’Eileen m’ait raconté vos déboires, j’ai senti que j’avais pour mission de vous aider. Ne me demandez pas pourquoi car je n’en sais rien. Cela m’est venu comme ça, c’est tout !

Liam parut se replier et Anna décela sur son visage de la déception.

   Liam ! C’était au début, si je suis ici aujourd’hui c’est parce que vous m’êtes sympathique ! Vous êtes quelqu’un de bien Liam Hooker malgré votre côté irascible ! Finit-elle en riant.

   Merci mon Dieu ! Lança le jeune homme avec un évident soulagement. Puis il marqua un instant de silence et rajouta avec sérieux.

   Anna, j’ai un aveu à vous faire ! Ce n’est pas facile  pour moi… Vous m’avez parlé d’évènements, de sentiments ou de rencontres qui jouent parfois le rôle de déclic et vous ramène vers la lumière. Je voulais vous dire que vous n’avez pas d’effort à faire pour m’aider… Au moment où j’ai posé les yeux sur vous, j’ai su que c’était vous mon déclic…

Annabelle sentit le feu lui empourprer les joues et resta sans voix. Bien que touchée par la révélation de Liam, elle eut tout à coup envie de fuir, de ne plus rien entendre. Refusant d’admettre la réciprocité de ce sentiment, ses pensées allèrent à Bérenger que ses émotions coupables trahissaient. Une boule se forma au creux de sa gorge et les larmes lui vinrent aux yeux.

 Liam percevant son émoi lui prit délicatement la main et dit.

   Je suis navré si je vous fais de la peine ! Je ne voulais pas vous brusquer mais il fallait que je vous le dise ! Vous savez ce que j’ai dans le cœur maintenant…

   Je ne suis pas prête pour tout cela Liam. Je suis désolée, ne m’en veuillez pas ! Ce n’est en rien votre faute… C’est moi…

   Voulez-vous que nous soyons amis, tout de même ? Coupa le jeune homme.

   Oui ! Bien sûr !

Liam déploya un large et séduisant sourire puis il se mit debout et il ajouta avec taquinerie.

   J’ai un fichu caractère et beaucoup de défauts mais j’ai aussi une grande qualité !

   Ah oui ! Laquelle ?

   La patience…

 

 

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30 janvier 2009 5 30 /01 /janvier /2009 10:55
Si je pouvais t'offrir le bleu secret du ciel
Brodé de lumière d'or et de reflets d'argents
Le mystérieux secret, le secret éternel
De la nuit et du jour, de la vie et du temps

Avec tout mon amour je le mettrais à tes pieds
Mais tu sais je suis pauvre et je n'ai que mes rêves
Alors c'est de mes rêves qu'il faut te contenter
Marche doucement, car tu marches sur mes rêves
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18 janvier 2009 7 18 /01 /janvier /2009 19:09

C’est maintenant une interférence entre ma femme et moi. Un larsen qui vient grésiller au milieu de ce que je pensais n’être qu’harmonie. Le constat est amer et j’en veux à la vie. Oui à la vie. N’as-tu jamais eu cette sensation étrange d’être passé à côté d’une meilleure destinée ? De t’être fourvoyé sur la mauvaise voie ? C’est mon cas depuis ma rencontre avec cette femme. Pourquoi la vie ne nous a pas placés sur le même chemin plus tôt ? Je réalise que c’est auprès d’elle que je devrais être. Depuis toujours… Par ces yeux, je me découvre, je me forge, je suis vivant. Je suis. Je pourrais me fondre en elle pour renaître en nous. Mais c’est trop tard, il est toujours trop tard même si les poètes clament le contraire. Un sale tour du destin « Vous vous croiserez, vous vous reconnaitrez et devrez vous fuir… » Entre le sixième et le neuvième commandement. Il est loin le Sinaï et pourtant…

Cette femme, je ne l’ai jamais rêvée, comment aurais-je pu imaginer pareille osmose ? Elle s’est imposée à moi comme une évidence et maintenant, elle est en moi à chaque instant. Voir, entendre, goûter, sentir, toucher… Ces verbes n’ont plus de résonnance en moi parce que je ne peux les partager avec elle. Que me reste-t-il ? Paraître celui que tous veulent voir, sourire quand le cœur saigne, espérer quand l’âme n’a plus d’écho…

Se tenir debout mais se savoir mort en dedans.

 

 

 

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30 décembre 2008 2 30 /12 /décembre /2008 16:41

A la mort de mon père et de mes oncles, emportés par une terrible épidémie de peste, j’avais atteint une trentaine d’années et je guerroyais aux côtés de Childebert II. Ce très jeune monarque mérovingien régnait sur la Bourgogne, Paris et l’Austrasie et m’avait en grande estime jusqu’à me réclamer auprès de lui lors de nos nombreuses campagnes. Une de celles-ci  nous mena sur les chemins de la Lombardie. Par une triste journée voilée de brumes épaisses, nous dûmes traverser un sentier étroit serpentant entre d’abruptes falaises ; configuration idéale pour tendre une embuscade. J’en fis part à mon roi mais à l’instant où, conscient du danger, il prit la décision de contourner le passage resserré, une horde armée jusqu’aux dents nous fondit dessus. La bataille fut impitoyable et le sang coula dans les deux camps. Je protégeais Childebert de mon corps lorsqu’un géant italien tenta de l’embrocher. Sain et sauf, le roi parvint courageusement à trucider la brute ainsi l’engagement prit fin sur notre victoire, l’ennemi en déroute. Au moment de compter nos pertes en soignant les blessés qui pouvaient l’être, le roi découvrit mon corps inerte, une lame profondément fichée dans mon abdomen. J’étais mourant.

On m’installa sous une tente, prestement dressée à la sortie du goulet meurtrier. D’après ce qui me fut rapporté plus tard, le roi ne quitta pas mon chevet, il ôta la lame et compressa lui même l’hémorragie. Triste et solennel, il sortit et proclama mon décès à la troupe assemblée autour du campement. Tous, du preux combattant au simple écuyer mirent genou à terre en hommage au grand guerrier que je fus. C’est à cet instant précis qu’une terrible quinte de toux me prit. Assis sur ma paillasse, les yeux révulsés par d’affreux spasmes pulmonaires, je vis débouler sous la tente le roi et deux frères d'arme. Je n’étais point mort. La plaie miraculeusement refermée ne laisser apparaître qu’une légère éraflure de teinte rosée... Ce fut un mystère, on parla de diablerie, de pouvoir divin, de tromperie mais jamais personne de devina la vérité. Comment auraient-ils pu savoir lorsqu’un secret est si bien gardé ? Le roi, trop heureux de savoir son fidèle ami en excellente santé, demanda promptement à la troupe de ne plus aborder l’énigme de la résurrection de Chlodebert le Puissant. Cela resterait une question sans réponse mais les ordres ne furent jamais désobéis. Je sus bien plus tard que ces hommes aguerris aux plus rudes combats, ayant tous un jour ou l’autre vu la mort en face, me craignirent dès cet instant et décidèrent conjointement de ne jamais rien perpétrer qui puisse déclencher mon courroux. C’est ainsi que je commençai à susciter la frayeur chez les mortels.

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7 décembre 2008 7 07 /12 /décembre /2008 16:03

«  Les choses les plus belles sont celles que souffle la folie et qu’écrit la raison. Il faut demeurer entre les deux, tout près de la folie quand on rêve, tout près de la raison quand on écrit ». André Gide.

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28 novembre 2008 5 28 /11 /novembre /2008 11:50

Une brume opaque recouvrait la campagne lorsque Anna émergea. Elle repensa aux évènements de ces derniers jours et à la sensation désagréable laissée par son cauchemar puis elle comprit qu’elle ne  pouvait  repousser indéfiniment sa dernière épreuve. Après avoir avalé un café noir et prit une douche, elle enfila un gros pull de laine des îles d’Aran, cadeau de Liam. Elle avança à pas lents jusqu’à l’extrémité du couloir, se figea un instant devant la porte, prit une grande respiration et entra…

Les volets, fermés depuis trop longtemps, laissaient filtrer de fins rayons lumineux. L’ampoule du plafonnier ayant grillée, c’est en tâtonnant dans une semi obscurité qu’Annabelle rejoignit la fenêtre. La lumière inonda brusquement l’atelier et une brume cendreuse révéla un lieu à l’atmosphère fantomatique.

 Tout était à sa place, pareillement aux souvenirs de la jeune femme. Les chevalets, la table sur laquelle palettes, tubes et pinceaux semblaient endormis dans un écrin de poussière, le vieux canapé fatigué adjoint de son fauteuil, les toiles alignées à même le sol et celles accrochées aux murs.

 La jeune femme semblait redécouvrir les œuvres, admira la justesse des perspectives, la beauté des couleurs, le réalisme de chaque touche et repéra dans un coin de la pièce, un nu que Bérenger avait fait d’elle peu de temps avant sa mort. Elle ne sembla pas se reconnaître…

 Annabelle promena ensuite son regard sur chaque objet avec émotion, revit Bérenger concentré sur les détails d’un tableau, son sourire puis son rire franc et bruyant quand il lui courait après, feignant de l’attraper afin de la croquer. Elle l’entendit chantonner en mêlant les couleurs sur sa palette.

 Ses yeux se posèrent sur la chaîne stéréo, un air des quatre saisons de Vivaldi lui revint puis un concerto pour flûte et harpe de Mozart prit le relais. Ses souvenirs auditifs se terminèrent sur une ritournelle de la symphonie pastorale de Beethoven.

 Elle s’assit sur le vieux canapé et d’autres sensations lui revinrent en mémoire. L’odeur de sa peau et sa douceur, les contours sinueux de son corps nu, ses mains si habiles à caresser…

 A l’apogée de son émotion, Annabelle trouva, au plus profond de son cœur, la force de ressentir les souvenirs avec le recul nécessaire pour ne pas s’effondrer. D’abondantes larmes sillonnaient son visage mais elles n’étaient plus celles de la détresse où du chagrin. Elles reflétaient maintenant un apaisement face à l’acceptation. Sur son visage, un pâle sourire se dessinait. Bérenger n’était plus et seul d’éphémères souvenirs de lui flottait encore dans l’atelier.

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20 novembre 2008 4 20 /11 /novembre /2008 17:03

Je crie ton nom dans le ciel du silence,

Entends ma voix dans les sons en errance,

J’appelle les nuages pour venir te parler,

Ecoute le vent, il te dit mes pensées.

 

Je lance dans les eaux l’au secours de ma vie,

Reçois dans ton esprit mon appel comme un cri,

J’échappe à la raison dans les désirs sordides,

Regarde-moi noyée dans un vide morbide.

 

J’étouffe derrière les murs de l’ennui,

Et me cache sous le rideau de la nuit,

Je saigne des larmes couchée dans l’obscurité,

Car au fond de tes yeux, j’ai vu l’éternité.

 

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11 novembre 2008 2 11 /11 /novembre /2008 15:02

Petite fille discrète et romantique, j’ai grandi dans l’ombre d’une sœur affectueuse mais extravertie et sûre d’elle. Une mère attentionnée, un père souvent absent mais dont chaque instant passé à ses côtés m’apportait tendresse et sécurité. Plus timide que ma sœur Nathalie de cinq ans mon aînée, tout le monde avait tendance à me dorloter et à se soucier du moindre de mes désirs. Un sourire sur mes lèvres ou un instant de gaîté spontanée était perçu comme une victoire. J’étais choyée et peut-être même surprotégée. Une belle enfance en y regardant bien. L’adolescence n’est pas la pire période de ma vie non plus. J’y ai gravée d’excellents souvenirs afin de construire la jeune adulte. J’étais plutôt jolie à l’époque. Mes cheveux étaient longs et soyeux et je pesais bien quinze kilos de moins. J’étais gaie, je souriais à la vie, à l’amour, pour cela j’avais un atout. La fraîcheur des mes vingt ans. Julien était mon petit ami, nous avions le même âge et nous fréquentions depuis presque un an. Beau garçon, peut-être pas selon les critères de magazines à la mode mais un visage harmonieux éclairé par de grands yeux noirs. Gentil et cultiver, je pouvais discuter de tous les sujets avec lui et j’adorais ça. Nous allions très souvent au cinéma voir des films d’action, j’aimais déjà ce genre à l’époque, mon ami m’accompagnait pour m’être agréable mais au fond, il n’aimait pas trop s’enfermer dans les salles obscures, un autre art le faisait vibrer. La musique. Julien jouait très bien de la batterie et c’est derrière ces fûts qu’il était le plus heureux. Combien d’heures ai-je passé à l’écouter répéter dans son garage ? J’aimais le voir jouer autant que l’entendre, je le trouvais sublime, animé par la ferveur. Je ne sais pas à cette époque si j’étais réellement amoureuse de lui. Probablement pas suffisamment sinon, je lui serais restée fidèle. Maintenant quand je repense à cette époque, j’aimerais remonter le temps et ne pas commette la pire erreur de ma vie…

Je préparais un diplôme d’assistante de gestion puis il y a eu l’inévitable stage en entreprise. Grâce à une amie de ma sœur, j’avais dégoté une place dans un cabinet d’expertises comptables des plus réputés. Dès les premiers jours, j’aurais dû avoir des doutes. Un important client avait commandé un audite sur sa multinationale, il passait au cabinet très souvent. Trop souvent. Naïve gamine, j’étais flattée par ses compliments et ses petits sourires charmeurs m’invitaient à la rêverie. Certes, il était plus âgé que moi mais quel charisme. Un physique attrayant, toujours élégamment vêtu, je le revoie encore au volant de sa superbe voiture de sport. Qu’avais-je à espérer d’un tel homme ? Rien. Tout au plus, voir mon nom ajouté à la liste de ses aventures, un trophée à rajouter à son tableau de chasse. Je ne pouvais imaginer la suite des évènements.

Je me sentais bien auprès du Docteur Jekyll, il m’invitait dans les grands restaurants, m’offrait des cadeaux et ne tarissait pas d’éloges sur ma beauté. Je n’avais pas encore croisé la route de Mister hyde. C’est à cette époque que, la tête à l’envers, je décidais de ne plus voir Julien et lui fis beaucoup de peine. Quelle imbécile ! J’avais des rêves. Des rêves pour la petite fille que je n’avais jamais cessé d’être.

Crédule, voire carrément hypnotisée, je fondais aux douces paroles sorties de sa bouche de serpent. Jusqu’au jour où j’acceptais de passer la soirée chez lui. Cet homme m’impressionnait alors être invitée chez lui, c’était comme un témoignage d’affection et peut-être même d’amour. Je n’ai pas hésité un instant.  Il vivait seul dans une très belle maison aux abords de la ville. Une fois les grilles du parc refermées, j’entrais dans ma cage de torture mais ne le savais pas en cet instant. Heureuse de partager l’intimité de l’homme dont je commençais à m’éprendre. Puis il y eut ses gestes brusques, sa bouches avides, ses mains trop pressantes, les coups et pour finir la cave. Cette maudite pièce où mon calvaire s’est inscrit à jamais dans chaque fibre de mon corps et de mon âme. Ensuite, il m’a libérée comme on ouvre une volière afin que l’oiseau s’envole. Je revois son sourire et j’entends encore ses remerciements pour « services rendus ».

Qui aurait imaginé que cet homme était capable de tant de cruauté ? Personne en définitive. L’affaire fut étouffée rapidement. Mister Hyde connaissait du beau monde et moi, pauvre gamine aux jupes trop courtes et aux rêves trop hauts, je fus montrée du doigt comme une coupable. Coupable de chercher le scandale afin de salir la réputation d’un notable à l’avenir politique déjà tracé. Je ne peux plus laisser tout cela dans les oubliettes de ma mémoire. Comme un geyser longtemps contenu, le flot remonte en puissance, il m’inonde de l’intérieur et m’étouffe.

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1 octobre 2008 3 01 /10 /octobre /2008 17:53

Le repas se déroula dans une joyeuse ambiance, Eileen avait concocté le dessert préféré d’Annabelle, un  Banofie pie.  La jeune femme plongea sa cuillère avec toute la gourmandise dont elle était capable dans cette délicieuse tentation faite d’un croustillant biscuit, d’un caramel fondant et de tranches de bananes finement émincées, le tout abondamment recouvert d’une onctueuse crème fouettée. Les trois dîneurs la regardaient se délecter en souriant, Anna perçut les regards amusés et constatant qu’elle était prise en flagrant délit de gloutonnerie, s’esclaffa de concert avec ses amis.

 Finn, très en verve, se lança dans la narration des légendes et des traditions de la région. Soudain, il prit un ton plus sérieux et interrogea Annabelle.

    Anna ! Connais-tu l’histoire de la bague de

Claddagh ?

    Non !

    C’est une bague représentant un cœur couronné entre deux mains. Le cœur symbolise la charité, les mains jointes l’amitié, la fidélité et l’affection. Cette bague fut fabriquée pour la première fois à Galway au début du dix-huitième siècle par un orfèvre. Le pauvre garçon avait été enlevé par des pirates ottomans. De retour au pays, après avoir appris le métier à Tunis, il créa cette bague qui souvent, unique bijou de famille, fût utilisée comme anneau nuptial. Elle se trouva ainsi transmise de génération en génération.

    J’ai déjà vu ce motifs un peu partout mais je n’en connaissais pas l’origine ! Ajouta Annabelle enthousiasmée par cette histoire.

    Oui, c’est vrai ! De nos jours le motif symbolique de ce bijou se retrouve sur beaucoup de supports. Linge de maison, instruments de musique, vaisselles et j’en passe.

    Bon alors ! Tu en viens aux faits ! S’impatienta Eileen.

    Je veux bien lui expliquer alors laisse-moi parler ! C’est important ! Rétorqua Finn sans ménagement.

Le vieil homme fouilla au fond de la poche de son pantalon et en sortit une petite boîte.

    Je veux bien que tu saisisses la valeur affective et symbolique de la bague de Claddagh ! Ajouta Finn à l’attention d’une Annabelle de plus en plus intriguée. Puis il reprit. « Voilà ! Je veux t’offrir la bague des Donaghue, elle est dans ma famille depuis presque deux cents ans ». Finit-il en sortant l’objet du petit coffret et en le posant devant la jeune femme.

Annabelle, bouche bée, fixa le bijou finement ouvragé puis son regard se posa sur Finn qui arborait une mine satisfaite.

    Je ne peux pas Finn, c’est trop ! Cette bague doit aller dans ta famille ! A Eileen ! Lâcha Anna sous le coup de l’émotion.

    J’ai déjà celle de ma mère ! Finn et moi préférons que celle-ci te revienne ! Assura Eileen en passant la bague à l’annulaire droit de la jeune femme. Puis elle ajouta. « Remarque bien dans quel sens j’ai mis la bague, la tradition veut que lorsqu’on est amoureux la pointe du cœur se place vers l’intérieur ».

Finn laissa son épouse terminer et s’empressa de rajouter afin de convaincre Annabelle.

    Je suis le dernier Donaghue, je n’ai pas d’enfants, pas de neveux ou de nièces. Je n’ai qu’un frère, prêtre à Sligo et lui n’en a pas besoin. Alors ça me ferait vraiment plaisir si tu acceptais mon cadeau, Anna ! Implora-t-il.

Liam, déjà dans la confidence, ne disait rien. Il connaissait l’importance que cette bague revêtait pour un vieil irlandais attaché aux traditions de son Connemara natal. Il perçut l’acte de Finn plus comme une preuve d’amour que comme un simple geste de générosité. Annabelle se leva, s’approcha de Finn et l’étreignit tendrement.

    Merci Finn ! Je serai toujours fière de porter la bague des Donaghue.

Finn, visiblement touché par cet élan et n’osant pas révéler son émoi ajouta d’un air de défi afin de se donner contenance.

    Puisque tu restes en Irlande ! J’ai une requête enfin… si tu veux  me faire plaisir !

    Ah oui ! Laquelle ?

    Apprendre l’irish ! J’en ai par-dessus la tête de te parler en anglais !

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9 septembre 2008 2 09 /09 /septembre /2008 16:37

Vincent a douze ans, il écrit dans son journal intime. "Il faut que je te dise ; je viens de me dégoter un super livre à la bibliothèque ; Bilbo le hobbit, je l’ai presque terminé. C’est vraiment bien, il y a des nains, des araignées géantes, un magicien, de grands aigles intelligents et un dragon. Le héros est un petit bonhomme malicieux. Il découvre un anneau dans les profondeurs d’une montagne et quand il le passe à son doigt, il devient invisible. Comme j’aimerais posséder un tel objet. Je pourrais disparaître chaque fois que ma mère veut me frapper ou m’engueuler.

Hier elle m’a passé le savon habituel : « Regarde-toi, tu n’es pas beau. Tiens-toi droit et relève la tête. Tu ne feras jamais rien dans la vie, tu es bien comme ton père. Un raté. As-tu fini de nettoyer la cave ? As-tu sorti les poubelles ? As-tu ramassé le linge ? Et ta chambre, elle est propre au moins ? Et puis lève-toi du milieu, tu es toujours dans mes jambes… »

Elle me reproche de ressembler à mon père mais elle ne me parle jamais de lui. Je ne l’ai jamais vu, pas même en photo. Il n’a jamais cherché à me connaître alors…

J’ai souvent rêvé de lui, le visage flou. Quand j’étais petit, j’imaginais souvent la même scène ; il frappait à la porte, j’ouvrais et nous restions un moment sans parler. Nous nous regardions. Puis il me prenait dans ses bras, me soulevait et m’emportait loin. Après, je rêvais que nous vivions dans une grande maison à la campagne avec des chats, des chiens et des poneys. J’imaginais des fêtes d’anniversaire avec des copains et des cadeaux. Je regardais mon père et malgré son visage imprécis, je discernais son sourire. Maintenant, je ne parviens plus à rêver de lui, pourtant, je fais de gros efforts pour que renaisse mon beau rêve. Impossible. Je suis grand, c’est probablement la raison.

Enfin, pour en revenir à hier soir, le savon terminé, elle m’a forcé à finir mon assiette de cassoulet. Je n’aime pas ça. Elle le sait et m’oblige à manger toute la boîte. Les claques sont tombées et j’ai tout avalé. Après, je suis allé vomir dans le jardin pendant qu’elle prenait son bain, j’avais mal au ventre… Elle ne m’a pas entendu parce qu’elle avait bu du whisky. Beaucoup de whisky. Quand je suis entré dans la salle de bain pour me brosser les dents, elle s’était endormie dans la baignoire. Je l’ai regardée. C’est peut-être vrai qu’elle est belle. Ses cheveux mouillés étaient ramenés en arrière et son visage si pâle m’a paru magnifique. Elle a un grain de beauté sur la bouche. C’est joli.

Mais pourquoi ne m’aime-t-elle pas ? Toutes les mamans aiment leurs enfants alors pourquoi pas la mienne. Moi je la hais. Des fois je voudrais qu’elle meure mais rien que d’y penser, j’ai du chagrin et j’ai envie de pleurer. Elle est ma mère."

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