Comparable à un nid d’aigle solidement agrippé au renflement rocheux de la face ensoleillée d’un vallon, il était constitué d’une trentaine de maisonnettes aux murs de pierres sèches et aux toitures chapeautées de lauzes. S’adaptant au vertigineux dénivelé sur lequel il était bâti, Racoule était parcouru de passages et de chemins accidentés que seuls les animaux et les enfants arpentaient avec aisance.
Des traversiers cascadaient tout autour du village. Petits murets de pierres grises savamment imbriquées et comblées par une terre noire, acheminée péniblement à dos d’homme. Ce procédé élaboré afin de permettre à l’agriculture de survivre sur les flancs arides et schisteux d’une région inhospitalière, autorisait la vie à s’enraciner là où elle aurait dû demeurer stérile.
Au-dessous du groupe de maisonnettes, la pente démesurée aboutissait dans un frais ruisseau aux gazouillis berçant. Sur l’autre face du vallon, l’ubac recouvert de châtaigniers, fournissait aux hommes et aux animaux le pain cévenol. Le fruit nourricier et salvateur. La châtaigne…
Les gens peuplant ce petit village étaient tous issus de vieille souche cévenole. Ils étaient à l’image de leur pays, rudes, courageux et sauvages. Héritage de leurs ancêtres camisards et reflet de l’âpreté d’une vie consacrée à tirer ressource d’une terre manquant de générosité.
Tous se connaissaient depuis toujours car on s’accrochait à Racoule du jour de sa naissance jusqu’à son trépas. Les liens de parenté, proches ou plus éloignés, unissaient les villageois depuis toujours. De tissages d’unions en amitiés sincères, cet amalgame de liens formait une toile d’araignée tenant fidèlement les habitants entre ses fils.