La salle de cinéma est maintenant plongée dans l’obscurité. Les publicités défilent devant mes yeux mais je n’y prête aucune attention. Je repense à l’échange que je viens d’avoir avec Ariane. Et si elle disait vrai, si Fred n’était qu’un homme brutal, habilement dissimulé derrière les manières d’un gentil garçon. Que ferais-je sans les conseils d’Ariane ? Elle a une forte influence sur moi, j’en ai conscience mais j’ai tellement besoin d’elle. De son amitié si précieuse. A part ma sœur Nathalie, personne au monde ne se soucie de moi. Je fais partie de ces êtres transparents et ignorés que l’on voit sans regarder, à qui l’on parle sans écouter. Qu’importe ce qui peut nous arriver, qu’importent nos peines ou nos joies. Avec Ariane, c’est différent. Elle se préoccupe de moi en véritable amie. Me lier avec elle est bien la meilleure chose qui me soit arrivée depuis… depuis le drame. Ah ! Le film commence. J’arrête mes cogitations parce que je ne veux pas rater une miette de l’histoire. Jodie Foster, une fois de plus, dans un rôle de femme forte et combative. Une bonne soirée en perspective.
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A vif, voilà un film dont le titre est parfaitement révélateur de l’état d’esprit de l’héroïne. La nuit s’étire sans vouloir disparaître. Nuit blanche. Nuit agitée à repenser à l’histoire de cette femme dont le compagnon est assassiné par des voyous qui la laisse, elle aussi, à l’article de la mort. L’ascension lente de la haine dans le cœur d’une femme à qui la vie souriait jusqu’alors. Conception d’un univers fait de violence dans lequel elle va se fondre afin de s’imposer en justicière. Main armée d’une vengeance aveugle animée par le désespoir et le chagrin. A la suite de chaque meurtre, cette quête de la plénitude intérieure sans cesse espérée. Bouleversant. La morale est sauve, le scénario ne peut exclure un « happy end » bien pensant et politiquement correct. Apanage des films américains, j’en ai l’habitude. Mais cette montée en puissance de la haine balayant toutes autres manifestations de sentiments reste l’atout majeur de ce film.
C’est ce que j’aurais dû faire quand… Acheter une arme et faire justice moi-même. Voir crever ce gros porc, le voir expier dans la douleur, la bave aux lèvres. Ne plus penser à ses mains me pétrissant, à son haleine fétide, à son poids sur mon corps, à la brûlure dans mon ventre. Ne plus attendre avec angoisse dans cette cave obscure ses pas descendre l’escalier... Ne plus craindre le cliquetis dans la serrure annonciateur de mon calvaire. Ne plus entendre mes cris faisant écho dans ma mémoire… Peut-être pourrais-je trouver le sommeil, ne plus avoir peur de mon ombre, ne plus vivre en recluse, ne plus cracher sur mon corps…
Et si l’héroïne de A vif avait raison, si la solution se trouvait dans la vengeance. Si tuer la vermine pouvait soulager… J’en discuterai à Ariane, elle sera de bon conseil, je n’en doute pas. Bon ! Je ne trouverai pas le sommeil cette nuit, c’est sûr. Il doit rester un pot de crème glacée dans le congélateur avec un paquet de sablés, ça fera l’affaire. Quelle pagaille dans mes DVD, je cherche Les accusées, j’ai besoin de revoir ce film, il me fait du bien. A la vue de certaines scènes, je vais devoir être forte et retenir mes larmes mais qu’importe puisqu’à la fin, justice est faite…